Habib, la grande aventure

Habib est un jeune acteur qui rêve de théâtre et de cinéma. Malheureusement, il ne fait qu’enchaîner des rôles sans envergure. Sa famille, installée dans le quartier marocain de Molenbeek à Bruxelles, a du mal à accréditer la vocation d’Habib, d’autant que ses prestations, limitées à des silhouettes, ne lui rapportent que peu d’argent.

Selon Benoît Mariage, le réalisateur du film, « l’enjeu dramatique était à haut risque : être touché par un gars qui parvient seulement au bout de l’histoire à dire son prénom ! Il fallait qu’en amont, il se prenne claque sur claque pour que l’on ait envie en bout de course de le prendre dans nos bras. Le principe de la comédie depuis Chaplin et Keaton, c’est la peau de banane ! Un plateau de cinéma, je connais, les miens et ceux des élèves que j’encadre depuis plus de vingt ans. Donc les peaux de banane, elles étaient faciles à trouver. Idem avec un metteur en scène de théâtre (Michel Fau, parfait), un pervers narcissique prétentieux et imbécile, là aussi, dans notre corporation, on peut trouver en magasin assez facilement »

De fait, Habib est totalement sous l’emprise du personnage de François d’Assise qu’il rêve d’interpréter sur une scène de théâtre bien qu’il soit totalement athée. Son perfectionnisme le pousse même jusqu’à un monastère pour aller voir ce que pourrait être la foi, pour trouver le moteur de son jeu.

Il continue cependant à courir les castings où les propositions de rôles intéressants se font plutôt rares, jusqu’au jour où on lui propose un personnage de gigolo auprès de la grande Catherine Deneuve… Ayant appris la nouvelle qu’un résident du quartier va jouer au cinéma aux côtés de la star française, le maire de Molenbeek décide d’organiser un buffet géant où serait conviée la communauté, d’autant que Molenbeek souffre de la dégradation de son image liée aux attentats qui l’ont endeuillée.

Et ce maire, qu’on appelle bourgmestre en Belgique (interprété par Ben Hamidou), sous l’emprise de la colère et de la déception, finira par dévaster le buffet lorsqu’Habib échouera à convaincre l’actrice d’y participer.

Mais que retient ce dernier de sa rencontre avec Catherine Deneuve ? Certes, Habib ne veut plus jouer les Arabes de service, mais Deneuve, c’est la bonne surprise dans son cheminement vers l’autonomie, juste un regard d’empathie d’une personne de référence qui lui dit – sans lui dire – « je comprends ta souffrance », et ça, c’est le premier pas vers la guérison ! Une courte apparition donc, mais d’importance.

Benoît Mariage rapporte en interview que, sans la participation de Catherine Deneuve, qui a accepté sur trois journées de tournage d’apporter son concours, le film n’aurait jamais pu se faire…

La surprise de Habib, la grande aventure vient surtout de la qualité du casting. Qu’il s’agisse en premier lieu, de Bastien Ughetto qui n’est pas maghrébin et qui pourtant incarne remarquablement le personnage d’Habib. Physiquement, et par son jeu, il n’est pas sans rappeler le John Turturro des frères
Coen avec son visage à la Buster Keaton. Qu’il s’agisse des personnages secondaires, tous plus brillants les uns que les autres, à commencer par Ahmed Benaïssa, acteur algérien qui interprète le père, lequel a quitté Oujda avec sa seconde – jeune – épouse Layla (Sofia Elabassi) pour faire des examens médicaux à Bruxelles… Qu’il s’agisse aussi de Nadia (Sofia Lesaffre), la soeur d’Habib, jeune femme épanouie dans son époque, qui fait son chemin en qualité d’hôtesses chez Thalys et montre une forte détermination pour exprimer son anti-patriarcat.

Ahmed Benaïssa est malheureusement décédé le jour de la présentation de Habib, la grande aventure au dernier Festival de Cannes, victime d’une embolie pulmonaire.

Parmi les autres comédiens, citons Farida Ouchani qui joue le rôle de la mère. Elle a été castée à Paris,
tandis que le bourgmestre (Ben Hamidou) et l’imam (Mohamed Ouachen) viennent de la scène théâtrale bruxelloise. Daphné Van Dessel, qui incarne Constance,  la jeune aveugle qui va faire une rencontre prometteuse avec Habib, a été découverte par Mariage dans le court-métrage d’un de ses étudiants.

De Habib, la grande aventure, on louera l’originalité du sujet, la richesse des dialogues, la maîtrise de la réalisation et l’éclat des interprétations.