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Immigrations asiatiques en France : ces grandes inconnues

L'institut d'études Occurrence et le Palais de la Porte Dorée présentent les résultats d'un sondage inédit sur la perception et la connaissance de l'immigration d'Asie de l'Est et du Sud-Est en France. Une étude dont les résultats permettent de mettre en lumière un phénomène de double invisibilité des personnes issues de l'immigration asiatique.

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Photo des espaces de l'expo Immigrations Est et Sud-Est asiatiques depuis 1860
Exposition "Immigrations est et sud-est asiatiques depuis 1860"
Photo : Cyril Zannettacci © Palais de la Porte Dorée

La Saison Asie inaugurée au Palais le 10 octobre dernier est l'occasion de mettre en valeur 150 ans de migrations asiatiques en France, une part méconnue de notre histoire commune, peu traitée et racontée alors même qu'aujourd’hui, près de 6 % de la population immigrée en France vient de Chine, du Vietnam, du Cambodge, du Japon, de Corée, du Laos, de Thaïlande ou des Philippines.

Dans ce contexte et avec le soutien de l’institut d’étude Occurrence / Ifop, nous avons interrogé les Français sur leur perception et leur connaissance des immigrations est et sud-est asiatiques à travers 4 questions dont 3 à choix multiples :

  • À partir de quelle période les migrants d'Asie de l'Est et du Sud Est commencent à arriver, de manière significative, en France métropolitaine ?
    Pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918)
  • En France en 2020, selon vous, quel est le premier pays en nombre de migrants de pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est ?
    Le Vietnam
  • En France en 2019, selon vous, quel pourcentage représente les immigrés chinois dans l'immigration asiatique ?
    Moins de 15%

La double invisibilité

9 sur 1000

Seules 9 personnes sur mille ont répondu correctement aux 3 questions de connaissance.

Comme l'avait déjà démontré clairement l'étude Changer de regard sur l'immigration en France menée en mai 2023 par l'institut Occurrence sur commande du Palais de la Porte Dorée, la distance entre perception et réalité est grande autour de l'immigration. En effet, sur l’ensemble de l’échantillon interrogé de 1000 Français, seul 1 Français avait su répondre correctement aux 6 questions de connaissance sur l’immigration. Au sein de cette méconnaissance globale, certaines immigrations sont moins connues encore. C'est notamment le cas de celles en provenance d’Asie de l’Est et du Sud-Est, frappées par une sorte de double invisibilité qui empêche d’en comprendre l’importance dans la France contemporaine.

Quel est le premier mot qui vous vient à l'esprit lorsqu'on vous parle d'immigrations d'Asie du Sud-Est et d’Asie de l'Est ?

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Graphique issu du sondage "Étude sur la perception et la connaissance de l'immigration d'Asie de l'Est et du Sud-Est en France"

Les mots les plus cités en réponse à la question "Quel est le premier mot qui vous vient à l'esprit lorsqu'on vous parle d'immigrations d'Asie du Sud-Est et d’Asie de l'Est ?" sont "rien" et "aucun" suivis de "Chine", "chinois" et "asiatique". Des termes neutres qui illustrent un certain flou dans la connaissance de ce sujet.

Une perception erronée, des discriminations bien réelles

47%

des Français estiment que les personnes issues de l’immigration asiatique ne sont pas victimes de discriminations ou de racisme alors même que les descendants d’immigrés chinois par exemple, sont 89 % à autodéclarer des expériences de racisme.

La méconnaissance des immigrations asiatiques a des impacts dans la vie quotidienne, et notamment une très grande sous-estimation des faits de racisme ou de discriminations dont sont victimes ces mêmes personnes. Plus de la moitié des répondants considère qu’elles n’en subissent aucun, comme si ces populations perçues comme « discrètes » étaient épargnées des préjugés habituels.

Tous les chiffres démontrent pourtant le contraire : dans l’enquête « Trajectoires et Origines 2 » conjointement menée par l’Ined et l’Insee datant de 2019/2020, les descendants d’immigrés chinois sont 89 % à autodéclarer des expériences de racisme, 67% pour les descendants d’immigrés vietnamiens, 51% pour ceux d’origine cambodgienne et 57% de ceux d’origine laotienne. Depuis, la situation a empiré, avec un effet catalyseur de la pandémie de Covid-19 dans la multiplication des actes racistes.

Les discriminations subies par les populations originaires de l’Asie de l’Est et du Sud-Est, longtemps minorées, suscitent des réactions de plus en plus visibles et coordonnées au fil du temps. Ces réponses visent non seulement à combattre toute forme de traitements différenciés, mais également à instaurer une représentation plus juste des personnes d’origine asiatique dans la société française.

En savoir plus : Représentations, stéréotypes, traitements différenciés et luttes

Compléter le puzzle de notre histoire commune

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Simeng Wang
Simeng Wang, commissaire de l'exposition "Immigrations est et sud-est asiatiques depuis 1860"
Photo : Anne Volery © EPPPD - MNHI

Simeng Wang, commissaire de l'exposition Immigrations est et sud-est asiatiques depuis 1860, à propos des résultats du sondage :

"Dans ce contexte, il nous apparaît absolument nécessaire de contribuer à une meilleure connaissance de ces immigrations, nourrie des apports de l'histoire, de la géographie, de la sociologie, de l'anthropologie et de la science politique. L’émotion que suscite chez beaucoup de descendants l’exposition sur l’histoire de leurs parents et grands-parents, actrices et acteurs des migrations est et sud-est asiatiques en France, pour la première fois présentée dans un musée national, est une des pièces de cette nécessaire reconnaissance pour compléter le puzzle de notre histoire commune.

Pour mettre un terme à cette double invisibilisation qui est source d’inégalités, de discriminations et de souffrances, nous ne pouvons laisser seuls les principaux concernés, qui ne manifestent qu’à l’occasion de drames, suite aux agressions et injustices subies par des membres des communautés asiatiques. Ces phénomènes de racisme ou de discriminations concernent plus de 660 000 personnes (migrants et descendants, selon l'INED et l'INSEE) vivant en France, qui sont originaires des 9 pays est et sud-est asiatiques dont on parle dans l’exposition. C’est un enjeu considérable. Depuis la pandémie de Covid-19, des luttes se multiplient largement et des voix s’affirment enfin. Il n’est plus possible aujourd’hui de dire que le silence serait un choix. L’histoire des immigrations est et sud-est asiatiques a fait l’objet d’un travail scientifique conséquent, les paroles des migrants et descendants existent, à nous maintenant d’écouter. "

Redonner une forme de réalité à la perception

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Assaël Adary
Assaël Adary, directeur général de l'institut d'études Occurrence

Assaël Adary, directeur général de l'institut d'études Occurrence :

"L’étude que nous avons réalisée permet de poser un poids sur ce qui semble être un angle mort des enjeux d’immigrations. En effet, grâce à cette étude inédite, nous pouvons redonner une forme de réalité à la perception des Français sur l’immigration asiatique. Le premier constat est sans appel, les Français ont une grande méconnaissance de l’immigration asiatique. Le second constat : la perception de l’immigration asiatique a peu d’aspérité, alors que l’immigration en général clive. Un constat qui interroge sur la différence de perception des immigrés par les Français selon leur pays d’origine et qui conforte l’importance de la mission du Musée de l’immigration : casser les préjugés sur l’immigration en montrant la réalité scientifique et historique de celle-ci !"

Étude sur l'immigration d'Asie de l'Est et du Sud-Est en France
Rapport et analyse complète. Cabinet Occurence.
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Les deux expos de la Saison Asie

Le Palais vous propose du 10 octobre 2023 au 18 février 2024 une saison consacrée à l’Asie. Un programme riche en découvertes qui se décline autour de deux expositions du Musée de l'histoire de l'immigration, l’une historique et l’autre d’art contemporain.