Trois questions à

« Au saint, on ne demande pas ses papiers ! »

Dans le cadre de l'exposition Lieux saints partagés, nous avons posé quelques questions au Père Éric Morin, qui est directeur des cours publics de l‘École cathédrale et de l’Institut supérieur de sciences religieuses au collège des Bernardins. 

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pere eric morin

Pourquoi avoir accepté d’être l’un des ambassadeurs de cette exposition ?

Père Eric Morin : Le partenariat proposé au collège des Bernardins m’a semblé intéressant. Le public est invité à visiter l’exposition avec l’éclairage théologique d’un ambassadeur qui a aussi une certaine expérience du dialogue inter-religieux.

Qu’est-ce qui est pour vous essentiel dans Lieux saints partagés ?

L’exposition montre, me semble-t-il, que la sainteté est contagieuse, par-delà les religions. Quand un homme fait le bien autour de lui, on vient le voir, car la sainteté fascine, séduit. Et au saint, on ne demande pas ses papiers ! Les lieux partagés sont souvent liés à ces hommes dont le rayonnement a transcendé leur propre religion. Je pense à Élie, le prophète commun aux trois religions du Livre, célébré au mont Carmel. Ou à Nikos Stavroulakis, ce rabbin qui a restauré en Crête une synagogue ouverte aux autres religions.

Ces lieux saints juifs, musulmans ou chrétiens fréquentés par d’autres religions ne sont pas des phénomènes isolés. Ils sont populaires : c’est le peuple qui les fréquente. Et pourtant, ces sanctuaires sont méconnus. En garants de la tradition les chefs religieux n'ont pas intérêt à populariser ces lieux mélangés.

Vous êtes théologien catholique. Que raconterez-vous aux visiteurs qui vous suivront ?

Je vais rechercher les textes permettant d’approfondir certains sujets. Pour ce qui concerne les lieux saints partagés d’Israël, ce ne devrait pas être trop dur, j’ai passé un an à Jérusalem. J’aimerais aussi retrouver le texte qui fait référence aux « sept dormants d’Éphèse ». L’histoire de ces saints qui auraient dormi des siècles est commune aux chrétiens et aux musulmans. Elle est à l’origine du pèlerinage islamo-chrétien du « pardon des sept saints », lancé en Bretagne par Louis Massignon, dont les musulmans dirent qu’il était « le plus grand musulman parmi les chrétiens et le plus grand chrétien parmi les musulmans ».

J’aimerais évoquer l’importance du dialogue inter-religieux. Outre Massignon, l’exposition présente d’autres figures qui y ont œuvré, comme André Chouraqui, traducteur de la Bible et du Coran. Ce sera l’occasion aussi de rappeler le chemin parcouru par l’Église catholique. Il y a 31 ans le pape Jean-Paul II engageait une forme inédite de dialogue inter-religieux en invitant les autres confessions à la Rencontre d’Assise.

Y a-t-il eu pour vous des découvertes ?

Il y a Lampedusa. Cette île au large de la Sicile est entrée dans l’actualité il y a quelques années avec l’arrivée régulière de migrants. L’exposition montre que Lampedusa était déjà une île sanctuaire voilà plusieurs siècles, un lieu où chrétiens et musulmans se rencontraient. Cela fait résonner autrement l’actualité.